Souvenirs internetiens

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Cela fait environs ~20 ans que je suis sur internet, et j’avais envie un peu de parler de mes souvenirs d’internet, du web, et de mon utilisation. Mine de rien, c’est la participation à des communautés en ligne proche de mes centres d’intérêts ou de qui je suis qui ont pas mal participé à mon développement en tant que personne. C’est d’ailleurs l’une des plus grande force d’internet, en tant qu’ensemble de lieux de sociabilisation : on peut trouver des groupes, des communautés différentes, marginales, plus facilement.

Le but de cet article n’est pas de dire que ce web était « mieux avant ». Si j’ai évidemment quelques aspects de nostalgie, et qu’il y a des éléments que j’estime critiquable dans l’évolution du web aujourd’hui, je pense qu’il faut éviter d’avoir des œillère nous cachant les soucis de jadis.

L’idée n’est pas non plus de faire une snapshot de ce qu’était cet internet d’hier. En effet, je ne vais parler ici que de mon expérience d’adolescent sur l’internet entre 2003 (mes 10 ans) et 2011 (mes 18 ans). Inutile de dire que ce qu’était le site du Monde, ce qu’était le site du New York Times sera assez peu dans cet article.

Cet article ne sera pas non plus une grande dissertation, mais plus un ensemble de souvenirs, d’exemples, de petits trucs qui remonteront à la surface de ma mémoire.

Les fansites et sites personnels

Je crois que parmis les premiers trucs que j’ai cherché sur internet, c’était des sites sur ma grande passion de l’époque (comme beaucoup d’enfant de mon age) : Pokémon. Très rapidement, j’ai donc passé beaucoup de temps sur les fan-sites pokémon, notamment Le Monde des Pokémon, sur lequel j’ai passé des heures. D’autres sont rapidement venus, tel que Le Palais de Zelda ou Planète-Sonic. Plus tard, j’ai été sur des sites comme Pokébip, notamment autour de l’époque ou ils créaient leur fangame Pokémon ADN : L’Aube d’un Destin Nouveau.

J’aimais aussi beaucoup regardez les sites et blogs de gens que j’appréciais, et c’était là ou je passais le plus clair de mon temps (avec la création de petits jeux Game Maker). C’était l’époque ou beaucoup de gens avaient des skyblog (j’avais pour ma part un « oldiblog« , et j’utilisais aussi les pages voila pour créer des sites). Avec le recul, on pourrait être tenté de se dire que beaucoup de ces sites n’étaient pas « qualitatif » par rapport à des sites modernes, mais au final c’est leur porter un jugement qui n’a pas lieu d’être : le but de ces sites n’étaient pas d’être des produits, mais c’était des espaces d’expressions. On était beaucoup à vouloir « avoir notre site », « avoir notre blog », que ce soit pour avoir un espace pour soi, ou pour parler de nos centre d’intérêts.

Que ce soit une expression d’un intérêt spécial, ou juste l’expression de soi, c’était un moyen de communiquer avec les autres, d’avoir « son espace ». S’il existait déjà bien évidemment des sites commerciaux à l’époque – même si je ne les fréquentais pas, ils ne m’intéressaient pas – tout cet univers indépendant contenait des lieux important pour nous.

Aujourd’hui, toute cette scène est encore assez présente (même si toujours très niche), notamment du côté de l’IndieWeb, ou de sites comme Neocities qui sont centré autour de cette idée de web indépendant. Des tas de gens créent toujours leur sites et/ou des sites suivants leurs intérêts.

Les forums et sites communautaires

Un autre moyen de communiquer que j’utilisait à l’époque était les forum, puis certains sites communautaires des « premières vagues de réseaux sociaux ». J’ai été sur de nombreux forums de communauté que j’ai beaucoup apprécié (pour la communauté Sonic, notamment, comme les forums de planète-sonic ou j’ai passé beaucoup de temps), que ce soit des forums fait par des gens que je connaissais, ou des forums que j’ai rejoint (notamment en suivant mon frère parfois). En terme de « réseaux sociaux » pré-Facebook j’ai été surtout sur un dédié à l’art : DeviantART. Évidemment, comme beaucoup de monde, une partie des forums dans lesquels j’ai participé ou que j’ai créé étaient des forums forumactif.

Pour la première vague de réseaux sociaux, si DeviantART a sombré pas mal avec Eclipse, et son virage pro-IA, quelques sites existent pour reproduire un peu l’aspect « libre » et « personnel » qu’avait ce réseau social, tel que toyhou.se. On peut le retrouver aussi dans des micro-réseaux sociaux tel que imood. Pour certain⋅e⋅s, on peut retrouver cet esprit dans le Fediverse, mais je ne suis pas totalement d’accord, c’est une expérience aussi assez proche au final du « early twitter » (ce qui reste mieux que le Twitter à la Elon Musk), et nous pouvons craindre des risques que peut faire porter l’arrivée de Threads de Meta. Pour les forums, de nombreuses communautés ont toujours des forums (PHPBB ou Discourse), et forumactif permet toujours d’en créer. Et au fond, même si je suis très critique de ce service, même sur Discord les gens réussissent à se créer des espaces communautaires (même si l’utilisation de serveurs Discord comme des sites est problématiques, j’avais écrit un petit article à ce sujet), des espaces autant que possible « à eux » ou à leurs communautés.

Les jeux flash ou à télécharger

Je pense que si vous voulez l’ancêtre des jeux mobiles, vous avez les jeux flash. Réunis souvent dans des sites qui les recensais et y donnait accès, ces jeux fait avec le moteur flash avaient la capacité de tourner sur les navigateurs, et donc étaient particulièrement apprécié de beaucoup d’entre nous qui étaient là juste pour jouer 😀 On trouvais un peu de tout niveaux qualité (comme dans tout le domaine du jeu amateur, en fait), et ils pouvaient être plus ou moins créatifs. C’est peut-être le premier genre de site que j’ai cherché, mon premier souvenir lié à Internet étant de jouer sur le site de Canal J à un jeu – mais je ne sais plus de quel dessin animé.

Ceux dont je me souviens le plus est un jeu ou fallait tenter de tricher sans se faire repérer (en vue du dessus, façon jeu d’infiltration), les Yeti Sport (logique) et les jeux flash Sonic, à la fois ceux officiels et le célèbre Ultimate Flash Sonic. Ce dernier a été l’un de mes premiers jeux Sonic, et j’ai passé des heures dessus quand j’étais petit (surtout qu’il était pas facile, et bah c’était un jeu Sonic sous Flash, c’est hyper compliqué de recréer la physique).

Hors de flash, mais dans des sites regroupant des jeux aussi, j’avais passé pas mal de temps après le rachat de Game Maker par Yoyogames dans leur sandbox, ou l’ont pouvant télécharger des jeux sympa. Un qui existe encore cependant est le site Oniromancie/RPG-Maker.fr contenant beaucoup de jeux RPG Maker, notamment Sonic Party 2 auquel je jouais énormément.

J’ai écrit sur quarante-douze un petit guide pour y rejouer pour les curieux, et une partie du rôle de ces sites est pris par les sites tels que Gamejolt et Itch.io, qui permette de poster des jeux amateurs de manière libre, et dont certains sont jouable directement via le navigateur. Mais on y trouve un peu de tout, même des jeux fait pour des anciennes consoles (ou sur itch.io d’autres éléments que des jeux).

Les « sites-jeux »

Mais hors des sites qui distribuaient des jeux, certains sites étaient des jeux en eux-même. Des jeux comme Neopets à l’internationale ou Woltar en France permettaient à des gens d’élever des créatures virtuelles et tout le site faisait partie du jeu et permettait de construire une communauté autour du jeu. Des sites comme webidev, ou des moteurs comme Dragon Knight permettaient même aux curieux d’en faire un perso. Des fangames pouvaient même exister pour des séries populaires sous forme d’un site. J’avais tenté d’en créer deux quand j’étais petit, chaoland sur webidev, et Aestrus qui utilisait le moteur Dragon Knight.

Aujourd’hui, ces jeux existent encore, et sont souvent présents sous formes d’applications (web ou non), et il existe visiblement toute une gamme de « NeoClones » pour reconstruire l’expérience classique de Néopets (je n’ai pas essayé). Beaucoup de site d’élevage sont toujours existant (tel que Woltar ou Webidev cités plus haut, mais aussi des sites comme Dragonea, ouvert en 2007 et toujours actif depuis plus de 15 ans). Certains aussi n’ont pas hyper bien vieilli, tel que Woltar qui a un côté très « famille traditionnelle » dès sa page d’accueil (même si c’est surement plus par accident qu’une vrai volonté de mettre ça en avant)

Cependant, du côté du mobile en tout cas (mais aussi du web), il faut toujours faire attention, parce que les microtransactions sont aujourd’hui encore plus courante que jadis. Mais il est toujours possible d’en trouver, d’en créer et de faire des communautés autour.

Le danger de l’idéalisation

Cependant, un autre aspect que je tiens à dire est qu’il ne faut pas idéaliser ce web. Si tout ce que j’ai dis plus haut semble montrer un web « mieux » que celui de maintenant, il faut aussi se rendre compte que le sexisme, l’homophobie, le validisme y étaient encore plus généralisé qu’aujourd’hui. C’était difficile de trouver un endroit ou y’aurait pas de blague sexiste, y’avait bien moins d’endroit « safe ». La culture du edgy y était très présent, et c’est un point sur lequel internet s’est amélioré, grâce au travail permanents de militant⋅e⋅s. Et je pense que c’est un travail qu’il faut continuer, et intégrer à notre lutte pour un web meilleur.

De plus, bien des sites amateurs, du aux plateformes utilisés, était bourré de pubs, qui était à l’époque quasiment le seul moyen de revenu pour un créateur indé, y’avait pas de plateforme de financement participatif ou genre patreon/liberapay/ko-fi/etc. C’était l’époque des pop-up qui apparaissaient soudainement sur ton écrans, des barres internet explorer, etc.

Le monde d’aujourd’hui possède aussi des points important.

Conclusion, l’internet d’hier et celui d’aujourd’hui

Quelque chose qui a été récurant dans ce dont j’ai parlé dans les différentes parties était que si certains sites étaient tombés, tout ces différents types de sites existent encore, ont des successeurs. Je pense que le web indépendant et amateur dans lequel j’ai passé ma jeunesse n’a pas disparu, et existe encore en périphérie, dans des sites plus niches. Et que sur certains point, il offre des qualités que n’ont pas le web d’hier : bien des sites amateurs/indépendant d’aujourd’hui sont contre la pub, et géré par des personnes issues de minorités et plus sensibles aux soucis d’oppressions. Beaucoup de site que je vois sur Neocities ont un côté queer, des côtés antivalidisme.

Je pense qu’il y a un travail à faire de redécentralisation d’internet, plus profond que simplement l’utilisation du fediverse et autre technologie du genre. C’est une notion plus vaste de notre rapport à internet, au web, et aux services corporates à laquelle il faut songer. Mais c’est un sujet dont je parlerais plus en profondeur sur mon site parlant de numérique, Quarante-Douze.

Une redécentralisation d’internet ne doit donc pas être un retour vers le passé, il faut comprendre l’essence du truc qu’on a perdu (la diversité de sites et de contenus), et y appliquer ce qu’on a appris des soucis d’hier.